Démystifier l’IA, c’est sans doute l’adopter

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Démystifier l’IA, c’est sans doute l’adopter

L’intelligence artificielle existait déjà il y a 30 ans. Ce qui a changé, c’est la puissance de calcul, l’émergence de plateformes qui rendent l’IA accessible, et la médiatisation extrême. C’est simplifié, je l’avoue, mais l’IA ne reste qu’un outil limité d’aide à la prise de décisions !

Parmi les articles traitant de l’IA que j’ai pu lire récemment, les thèmes comprenaient «comment doter l’IA d’une éthique?», «le tribunal automatisé», «teaching empathy to AI», «is AI playing god ?», l’IA qui produit des films, de la musique, des parfums, «avec l’IA notre vie va devenir monotone», «votre DRH est-elle une IA ?», etc. J’en passe et des meilleures ! Stop !

Cette surmédiatisation de quelques recherches et réflexions science-fictionnesques est à mon sens contre-productive et tend à donner un sentiment d’inaccessibilité de l’IA et donc à freiner son exploitation. Il est temps de démystifier tout cela, d’arrêter cet espèce de fantasme collectif et de redonner à l’IA toute la crédibilité qu’elle mérite. Car il existe aujourd’hui de multiples utilisations concrètes de l’IA, abordables, pragmatiques, exploitables rapidement, et cela, même par des PMEs.

Au final, qu’est-ce que c’est qu’une IA ? Ce n’est pas une entité vivante à qui on doit tenter de donner une éthique, une conscience et dont on devrait avoir peur de dérives incontrôlables ! C’est ‘juste’ un ensemble de programmes informatiques. Et ces programmes sont capables de faire essentiellement trois choses : de l’analyse et de la compréhension du langage naturel verbal et écrit, de la reconnaissance d’images, de visages, d’objets, etc et de l’analyse de montagnes de données factuelles, statistiques, du passé.

Cette dernière capacité est la plus souvent commentée. Elle permet notamment au programme d’alimenter sa propre base de données de règles prédictives, notamment via l’identification de patterns récurrentes non détectables par l’humain.

Ces règles sont purement basées sur de l’analyse statistique et refléteront donc tous les biais contenus dans les données analysées, sans pouvoir leur apporter de nuance, de contexte, d’éthique, de sens moral, d’équité, de réflexions liées aux perspectives d’avenir, etc.

Là où l’humain va prendre en compte un faisceau d’informations, de perspectives, d’expériences, de bon sens, etc, pour prendre une décision, l’IA viendra avec des recommandations qui seront prises sur base de l’analyse purement factuelle, sans discernement, de la totalité des informations du passé dont elle dispose et des biais contenus dans ces informations.
Cela limite donc la capacité de l’IA d’être autre chose qu’un excellent outil d’aide à la prise de décision, qui pourra apporter un avis, parfois différent, parfois original, parfois innovant…mais juste un avis. Et encore, pour autant que les données sur lesquelles elle se base soient de qualité !

C’est simplifié, je l’avoue, mais au final c’est cela. Et c’est en fait fantastiquement riche, mais, bien loin du fantasme collectif que j’évoquais plus haut. Ces programmes informatiques existaient déjà en 1990 quand je travaillais à l’ULG. Ce qui a changé fondamentalement, c’est la puissance de calcul, c’est l’émergence de plateformes épatantes telles que Watson qui rendent l’IA accessible, aisément paramétrable, et c’est la médiatisation extrême.

Quand une IA bat le champion du monde des échecs ou du jeu de Go, c’est sympathique, mais elle a été programmée pour ne faire que cela et pouvoir traiter un nombre de combinaisons largement supérieur à celui que le cerveau humain peut assumer. C’est de la puissance de calcul et (presque) rien d’autre.

Si une IA complémente efficacement le diagnostic d’un médecin, ce dernier conserve ses propres sphères de compétence et assure le lien social indispensable à l’exercice de la médecine. Un tribunal peut bénéficier de la capacité de traitement et d’analyse d’une IA mais il ne sera (heureusement) jamais totalement automatisé !

Et une activité DRH peut être grandement assistée par une aide à la sélection de profils sur base d’une analyse des CVs des personnes recrutées par le passé mais elle ne pourra pas éviter de reproduire les éventuels biais de sélection du passé… On peut continuer ainsi longtemps.

Maintenant, une fois que l’on passe outre ces exemples ‘extrêmes’, on va trouver de très nombreuses possibilités de bénéficier de l’IA, aujourd’hui et avec des moyens (très) raisonnables.

Je vous en parlerai dans ma prochaine chronique. À très vite !

Chronique de Manuel Pallage, Directeur Général de NSI
La Libre Eco - 17 septembre 2019